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Lutte contre l’impunité: la complexité de la procédure d’exécution des réparations en faveur des victimes des crimes de masse en RDC plombe tout

publié le 15 octobre 2020 à 06:30:55

S’alignant dans la lutte contre l’impunité, la justice congolaise fournit des efforts remarquables pour poursuivre et condamner les auteurs de crimes de masse commis en RDC. Seulement, des obstacles jonchent la voie de la justice, l’inexécution systématique des réparations ordonnées par les Cours et Tribunaux dans des affaires de Crimes de masse. Des réformes s’imposent pour simplifier la procédure.

En République démocratique du Congo, un grand fossé existe entre l’annonce du verdict de condamnation de l’Etat congolais solidairement avec autres condamnés, essentiellement soldats des FARDC au versement des Dommages-Intérêts et l’exécution des réparations dans les procès de crimes internationaux. Le cas de l’affaire Mulenge/Lemera, dans lequel des crimes odieux ont été commis, l’illustre parfaitement.
En 2009, l’armée congolaise a lancé l’Opération «Kimia II» au Sud-Kivu, pour traquer les membres du FDLR, un mouvement rebelle rwandais actif dans la région. Le 18 août 2009, sept femmes dont une aveugle et deux autres enceintes, avaient étaient attaquées et violées à Mulenge par une poignée de soldats congolais. Le 30 octobre 2010, cinq militaires reconnus coupables de crimes contre l’humanité, étaient condamnés à la servitude pénale à perpétuité par le Tribunal Militaire de Garnison d’Uvira.Le jugement du premier degré a été confirmé par la Cour Militaire du Sud-Kivu le 7 novembre 2011. L’Etat congolais, civilement responsable, a été condamné au versement de la somme de 50 000 dollars américain à chacune de sept femmes, en guise de réparation des préjudices subis en solidarité avec les autres condamnés.
Selon Catharina, l’une des victimes, elles ont subi comme préjudice le viol massif, l’extorsion, c’est-à-dire pillages de biens, et la torture. «Il y a de femmes qui ont été répudiées par leurs maris, qui n’ont pas accepté de rester avec elles parce qu’elles étaient violées par des militaires. Il y a une femme qui était même tombée enceinte à cause de ces viols et qui a un enfant», rapporte-t-elle.
Ces victimes que M. Léonard Basiluango, défenseur des droits humains et Responsable d’une Clinique Juridique au Sud-Kivu, décrit comme très vulnérables et très pauvres, demandent que les partenaires nationaux et internationaux fassent un plaidoyer pour que l’Etat congolais exécute le jugement le condamnant au versement des dommages et intérêts.

Une procédure très complexe

La procédure d’exécution des décisions judiciaires prévue en droit congolais commence par la mise en état du dossier c’est-à-dire l’obtention de  la décision définitive revêtue de la formule exécutoire, suivie de la signification de ladite décision aux personnes condamnées. Après la signification de la décision définitive, la partie condamnée, en l’occurrence l’Etat congolais doit s’exécuter volontairement car, il n’est pas prévu en droit congolais d’exécution forcée contre l’Etat. La seule voie qui s’ouvre aux victimes est la procédure administrative de «SOLLICITATION». Cette dernière commence par le dépôt du dossier au ministère de la justice accompagnée d’une requête en exécution ; lorsque celle-ci est déclarée recevable, elle devient une créance de l’Etat; après une série de contrôle impliquant les ministères du Budget et de Finances la créance aboutit à la Banque centrale pour paiement.
Maître Sylvestre Bisimwa, avocat au Barreau du Sud-Kivu, l’un des avocats des victimes dans l’affaire MULENGE dit avoir suivi toute la procédure de sollicitation telle que prévue en droit congolais, mais qu’à ce jour, l’Etat congolais ne s’est pas acquitté de son obligation de réparation envers les victimes.
Après avoir déposé la requête en exécution de la décision au ministère de la Justice, en réservant copie au ministère des Droits humains et à la Représentante personnelle du chef de l’Etat en matière des violences sexuelles, à l’époque Jeanine Mabunda, elle a été analysée et déclarée recevable et a donc été enregistrée comme créance de l’Etat. Après une série de contrôles impliquant les Ministères du Budget et de Finances, la Banque Centrale devrait procéder au payement des sommes dues aux victimes.
L’avocat indique avoir relevé une certaine mauvaise foi. Plusieurs fois, fait-il remarquer, il a eu des coups de fil des individus qui lui demandaient de l’argent pour faire évoluer dossier. «Moi je dis non, je ne peux pas corrompre. Le dossier doit suivre son cours normal», a-t-il eu à répondre. Il ne s’explique pas la dichotomie qui se constate dans le chef du gouvernement congolais entre la déclaration qu’il fait et son inaction. «Le gouvernement congolais ne cesse de clamer haut et fort, voilà nous sommes pour un Etat de droit, nous sommes pour la promotion des femmes…, mais en réalité il ne traduit pas cela en acte.», déplore-t-il.

Manquement grave de l’Etat congolais à ses obligations

L’inexécution systématique des jugements laisse perplexe plus d’une personne. D’aucuns pensent qu’il ne peut y avoir justice que lorsque les auteurs des crimes sont condamnés et les victimes réhabilitées dans leurs droits. En 20 ans, les juridictions militaires congolaises ont jugé plus de 50 dossiers de crimes de masse. 38 jugements rendus, tous niveaux de juridiction ont conclu à la responsabilité civile de l’Etat congolais in solidum avec les prévenus. Si l’on cumule les montants ordonnés par ces réparations, l’Etat congolais doit environ 28 millions de dollars à 3.300 victimes, mais personne n’a le sésame pour dénouer l’énigmatique procédure. Le fait de ne pas exécuter les réparations ordonnées dans ces décisions judiciaires donne aux procès un caractère inachevé, c’est à dire ne permet pas aux victimes de se reconstruire et les efforts mis en œuvre pour lutter contre l’impunité des crimes de masse ne sont pas ressentis par la population congolaise.
Le dossier de Mulenge a poussé TRIAL International, ONG Internationale accompagnant les victimes à déposer, en 2016, une plainte contre l’Etat congolais devant le comité des droits de l’homme des Nations Unies. «Tant que le gouvernement congolais n’aura pas accordé aux victimes de Lemera les réparations qui ont été accordées par les juridictions, il devient auteur de l’impunité. Dire aujourd’hui qu’on s’engage dans la lutte contre l’impunité, mais en bloquant la procédure d’exécution d’une décision judiciaire serait être soi-même auteur de cette impunité», argue Sylvestre Bisimwa.

Peut-être penser à créer un fonds

En vue de faciliter l’accès des victimes à des réparations effectives, l’Etat pourrait penser à la création d’un fonds spécifique, par le biais duquel les réparations pourront être octroyées. Pour Patrick Tshibuyi, responsable de la sensibilisation au Bureau Pays de la Cour pénale internationale (CPI), les Etats peuvent, s’ils le souhaitent, s’inspirer des dispositions du Statut de Rome concernant les réparations et de la pratique devant la Cour pénale internationale . «Le cas par exemple du Fonds au profit des victimes», donne-t-il en exemple. Dans l’affaire Thomas Lubanga et Germain Katanga, les ordonnances de réparations au profit des victimes sont en cours d’exécution par ledit Fonds.

Des recommandations plus qu’importantes à prendre en compte

Dans le souci de voir les victimes obtenir effectivement réparations des préjudices subies, Avocats Sans Frontières, TRIAL international et RCN Justice et Démocratie ont menées une étude dénommée «L’urgence pour la RDC de solder sa dette envers les victimes de crime de masse et revoir sa politique de réparation» où des recommandations sont formulées à l’endroit de plusieurs acteurs impliqués dans la chaîne d’exécution des réparations : Au ministère de la Justice, elles recommandent l’exécution immédiate des décisions judicaires en état, la mise en place d’un système facilitant l’exécution des décisions futures. Au législateur, la réforme de la procédure d’exécution pour rendre les réparations exécutables d’office, l’introduction en droit congolais de la possibilité d’exécution forcée à l’encontre de l’Etat, l’alignement du droit national avec les standards internationaux en matière de mesures de réparation.
Ces ONG internationales recommandent au Conseil supérieur de la magistrature l’élaboration d’un système pour le calcul des dommages-intérêts et l’élaboration d’une méthode d’analyse individualisée du préjudice. Elles conseillent aussi aux acteurs accompagnant les victimes des crimes de masse en RDC, l’inclusion systématique de la procédure administrative dans les services d’aide légale ; ainsi qu’un plaidoyer commun pour l’exécution des jugements et l’introduction de nouvelles formes de réparations pour les victimes.
Notons que l’étude «L’urgence pour la RDC de solder sa dette envers les victimes de crime de masse et revoir sa politique de réparation» va paraître dans les heures qui suivent.

Hubert Mwipatayi

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