L’abbé Apollinaire Malumalu a été la cheville ouvrière des premières élections libres, démocratiques et transparentes de la République démocratique du Congo. C’est en 2003 que le prêtre de Butembo (chef-lieu du territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu) est désigné président de la commission électorale indépendante (CEI) au terme des négociations de Sun-City, pour le compte de la société civile, quota de la province du Nord-Kivu. Sa mission est d’organiser un référendum constitutionnel, puis des élections présidentielles et législatives.

Délégué de la société civile au dialogue intercongolais de Sun-City

Populaire, influent, formé en Droit et sciences politiques, il est désigné en 2002 pour représenter la “société civile” de sa province aux négociations de paix en Afrique du Sud. Malumalu est vite remarqué dans les travaux en commissions et se fait solliciter par des panelistes, y compris ceux des composantes autres que sa société civile. C’est sur cette lancée qu’il est désigné l’année suivante par ses pairs, président de la commission électorale indépendante (CEI). Ses premières déclarations annoncèrent les couleurs de cet homme de petite taille mais qui savait s’imposer dans le travail d’équipe. “La population aspire aux élections depuis plus de quarante ans, mais les dirigeants l’en ont toujours privée” , expliquera l’abbé aux journalistes étrangers. “Il fallait sortir de l’arbitraire en bâtissant une institution indépendante, la CEI” , revendiquait-t-il.

Malumalu, acteur de développement

Homme d’expérience, il a su créer de multiples ONG de développement rural et de défense des droits de l’homme dans le sillage de l’Université catholique de Butembo (nord-est de la RDC), dont il devint le recteur en 2001 pour près de 6.000 bénéficiaires directs. Très tôt, il a su tisser des relations avec les acteurs de la société civile d’autres provinces telles que le Sud-Kivu, le Maniema ou l’ancienne Orientale. Après le grand séminaire et une licence en philosophie, il poursuit ses études à l’Université catholique de Lyon (France), où il soutient, en 1991, une maîtrise sur “L’universalité des droits de l’homme” et une autre sur “La responsabilité politique dans l’oeuvre d’Albert Camus”. Mais le curé étudiant ne s’enferme pas pour autant dans les bibliothèques et les églises. Il bat la campagne et suscite en Rhône-Alpes la création de plusieurs associations de solidarité avec le Congo, toujours actives jusqu’à présent.

Malumalu et la communauté internationale

Son expérience européenne lui avait valu un large éventail de contacts avec une agilité à aborder l’homme blanc et à le convaincre à adhérer à sa cause. Certains partenaires qui l’appréciaient à merveille ne pouvaient s’empêcher de le taquiner. Au point de le qualifier de “petit curé” de brousse monté en graine, devenu “un personnage incontournable du pays”. Malumalu avait mis ses qualités intellectuelles au service de la construction de sa personnalité et de la démocratie de son pays. Il va donc mobiliser plus de 500 millions de dollars pour l’organisation des élections, exclusivement financées par la communauté internationale.

Modérateur du Symposium pour la paix à Butembo

En mars 2001, le diocèse de Butembo-Beni organisera un symposium international sur la paix en Afrique (SYPA) tenu à Butembo (Nord-Kivu) et ayant regroupé 500 membres de la société civile d’Italie, de Belgique, de France, d’Espagne, d’Allemagne, de Suède, des Etats-Unis, de Tanzanie, de Zambie et de différentes provinces anciennement occupées par les pays voisins de la RdCongo. Modérateur, il réussit à faire éviter un affrontement entre les mai-mai et la troupe de Jean-Pierre Bemba, encore rebelle dans cette partie de la RDC comme commandant du Front de libération du Congo (FLC) en alliance avec Antipas Mbusa Nyamwisi, lors d’une cérémonie de réconciliation entre Bemba et les Mai-mai de Butembo à l’évêché. Ce jour-là, Bemba avait commis l’irréparable en faisant venir à la cérémonie le colonel ougandais du nom de Padiri, contre l’avis des combattants autochtones. Malumalu finit par apaiser les deux parties.

C’est encore Malumalu qui coordonne la conférence de Goma

La conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu (Janvier 2008) fut confiée à l’abbé Malumalu, soit deux ans après le succès des élections organisées par sa personne en 2006. Ouverte le 6 janvier 2008 dans ville congolaise de Goma, elle visait à trouver une issue pacifique à la guerre du Kivu et elle s’était tenue dans les locaux de l’Université libre des Pays des Grands Lacs. Malumalu fut ensuite nommé coordonnateur du Programme AMANI pour la stabilisation des provinces sortant des conflits armés (2008 – 2009).

Coordonnateur du dialogue de Kampala avec le M23

De janvier à février 2013, l’abbé Malumalu, ressortissant Nande, fut chargé de coordonner les aspects techniques du Dialogue de Kampala (Munyonyo) entre le gouvernement et la rébellion du M23 avec l’appui de Raymond Tshibanda, chef de délégation gouvernementale. Comme on le voit, Malumalu était un génie des temps modernes qui savait se mettre au service de son peuple. En ce 6ème anniversaire de sa disparition, le Diocèse de Butembo-Beni, la commission électorale nationale indépendante et l’Association culturelle Nande (Kyaghanda) observeront une pensée pieuse en sa mémoire à travers une célébration eucharistique qui aura lieu à la Paroisse Notre-Dame de Fatima dans le strict respect des gestes barrières, le 30 juin 2022 à 15 h30. Paix à son âme.